Père Jean Mboma, S.J.: « entre ma vocation jésuite et ma passion pour le monde Agricole »
Entretien avec le Père:
MBOMA Mburawamba Jean, S.J. ,
Doyen de la Faculté des Sciences Agronomiques et Vétérinaires
Université Loyola du Congo.
A part quelques expériences personnelles de jardinage à la maison et à l’école secondaire, c’est en 2001 que mon ‘investissement’ dans le domaine agricole a effectivement commencé, lorsque j’ai reçu la mission d’aller étudier l’agriculture (plantes et animaux) à Lille (France). C’est au cours de ces études d’ingénieur en agriculture (agriculture, agroalimentaire et environnement) que j’ai commencé à m’intéresser aux liens entre l’alimentation et la santé. J’ai alors fait un master spécialisé en qualité des systèmes alimentaires et plus tard un doctorat en nutrition métabolique sur les liens entre les lipides et la santé cardiométabolique. Bref, le lien entre l’alimentation, la nutrition et la santé sera le cœur de mon intérêt pour le domaine agricole.
Une des œuvres pionnières de l’investissement des Jésuites de la province d’Afrique centrale (ACE) est le Jardin botanique de Kisantu. Le Frère Gillet y a amené des plantes de différentes parties du monde et aujourd’hui cette œuvre gérée par l’Etat congolais est devenue une fierté de Kisantu et du Congo. Nous n’avons pas une gestion centralisée des domaines agricoles des Jésuites au Congo. Plusieurs de nos œuvres, collèges, paroisses possèdent des domaines agricoles. Certains sont des forêts naturelles contribuant à l’embellissement du paysage et offrant des îlots de verdure dans un contexte de déboisement non raisonné. D’autres sont des vergers et jardins aménagés qui fournissent des fruits et légumes pour l’alimentation des communautés ou pour la vente locale. Parmi les pratiques agricoles innovantes, il convient de souligner l’agroforesterie qui a permis la plantation d’une forêt aux environs de Mongata par la Faculté des Sciences Agronomiques et Vétérinaires de l’Université Loyola du Congo. En plus, il y a des semences sélectionnées de maïs que nous plantons à Mongata, sans oublier les cultures maraîchères sans fertilisants synthétiques et qui n’utilisent que des composts et fientes des poules. Ainsi, notre innovation majeure consiste à encourager la production agricole à partir des intrants locaux pour allier production agricole et soin de l’environnement de notre « maison commune ».
Nous avons des cultures vivrières (maïs et manioc, à la ferme de Mongata), des cultures maraîchères (ferme de Kimwenza et Mwanza), l’agroforesterie et l’apiculture (ferme de Mongata). Notre ferme bovine se trouve à Iniangi (province du Kwango), des porcs et de la volaille (poulets de chair et poules pondeuses à Kimwenza.
Nos productions se font dans une zone climatique presque homogène (Ouest de la RD Congo). Les seules adaptations sont faites en rapport avec les étendues disponibles : les cultures vivrières (manioc et maïs) sur de grandes étendues et loin de la ville ; les cultures maraîchères en ville. Les productions animales (porcs et volaille) sont faites en ville en raison de la facilité d’accès aux ingrédients importés (concentrés, tourteaux de soja et produits vétérinaires).
Nous essayons de développer des cultures selon leurs apports dans la sécurité alimentaire et pour des raisons scientifiques (essayer des cultures peu habituées à notre climat pour voir comment elles s’adaptent). Nous avons à cet effet développé des cultures de basilic, oignons, menthe, fraise, des asperges, etc.
Après 30 ans, notre faculté n’a pas beaucoup rayonné dans le monde rural, à part tous nos anciens qui travaillent dans plusieurs secteurs du développement rural dans diverses provinces de notre pays. A partir d’octobre 2024, nous comptons commencer par des analyses des sols, grâce à notre nouveau laboratoire. Notre apport à la sécurité alimentaire consistera à accompagner nos fermiers à améliorer la fertilité de leurs sols pour accroître la productivité des cultures. Le partage des innovations se fait surtout par la diffusion des connaissances. A Mongata, le père Ghsilain Tshikendwa avait initié un projet d’animation rurale et des fermes porcines dans les villages proches de notre ferme.
L’apport jésuite consiste surtout dans le soutien aux communautés locales pour conserver certaines cultures et pratiques agricoles locales qui ont fait leur preuve au long des âges. Cela se fait surtout en Amérique du Nord et du Sud. En Afrique de l’Est, les Jésuites travaillent avec des communautés locales du Sud-Soudan, pays majoritairement pastoral, à la pratique de l’agriculture. En Afrique australe, surtout en Zambie, les Jésuites ont beaucoup contribué à l’élaboration des politiques agricoles nationales et à la promotion d’une agriculture biologique sans organismes génétiquement modifiés (OGM) et sans apports intensifs d’engrais chimiques importés.
Bénédicte MAVINGA
BD.ACE / C.COM