Centre Maïsha
Nous sommes en 2002, la ville de Kisangani se remet petit à petit des affres douloureuses de différentes guerres qu’elle subit. Par ailleurs, elle endure la gestion socio-politico-économique désastreuse imposée par les rebelles du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), car coupée de l’administration centrale de Kinshasa. Dès lors, l’Eglise est devenue la seule institution crédible de référence auprès de qui la population trouve refuge, réconfort et l’espoir d’un lendemain meilleur. Consciente des défis sociaux que charriait cette situation confuse, la communauté jésuite de la paroisse du Christ-Roi s’était déterminée à donner une réponse concrète, spécialement dans l’encadrement de la jeunesse qui était délaissée. Comme nous exhorte le troisième chapitre de la septième partie des Constitutions de la Compagnie, « le jésuite ne peut pas être formé à la passivité, mais à l’esprit d’initiative », aussi devrait-il inlassablement penser le christianisme pour son temps et pour ceux auprès de qui il est envoyé. La question qui nous préoccupait était de savoir ce qu’il fallait entreprendre et comment l’amorcer dans un environnement instable. Nous avons donc décidé, dans un premier temps, de nous mettre à l’écoute de cette jeunesse afin de décoller à partir de leur propre condition. La paroisse du Christ-Roi/Mangobo est à côté d’un marché où l’on trouvait des hangars transformés en petit ciné de fortune avec des programmes qui n’aidaient pas à la promotion des valeurs humaines et chrétiennes. Ils contribuaient plutôt à dégrader un environnement qui était déjà dans un état de putréfaction très avancée. Ce qui avait comme conséquences, l’émergence des enfants dit ‘sorciers’, une aubaine pour les responsables des Eglises de réveil, la légèreté des mœurs et la délinquance juvénile. Notre travail comme aumônier des jeunes consistait à combattre ce danger en utilisant le même moyen, donc le cinéma, étant donné que les jeunes manifestaient pour lui un grand intérêt. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a mis à notre disposition une vidéothèque bien adaptée pour répondre parfaitement à notre préoccupation et rencontrer aussi les besoins et les attentes des jeunes. De jour en jour, des jeunes qui étaient à la merci de la rue ont trouvé un espace de rencontres pour parler de leur problème, de leur souci et de leur avenir. C’est ainsi que nous avons décidé, ensemble avec eux, de commencer Parlons-Sida, un forum de partage, d’échanges et des discussions pour briser le mur de silence autour de la sexualité des jeunes et le VIH/SIDA, sujets tabous dans nos familles et nos sociétés. Cette initiative a coïncidé, fort heureusement, avec le lancement du Réseau Jésuite Africain de lutte contre le Sida (AJAN) et a reçu, d’une manière ou d’une autre, la bénédiction du R.P. Peter-Hans Kolvenbach S.J., alors Général. Nos activités ont provoqué une certaine prise de conscience de la part de toute la communauté paroissiale. Bien que lent, on pouvait constater le souci d’éviter certains comportements à risque et de s’occuper des personnes infectées et affectées par l’épidémie. Aussi, s’est-il manifesté le souhait de toute la paroisse de voir « Parlons-Sida » s’occuper des membres de la communauté malades. Grâce à une assistance d’AJAN et de la Fondation Entreculturas, un service intense d’accompagnement psychosocial et de prise en charge médicale était organisé et continue à s’organiser jusqu’à ces jours pour permettre aux malades de se reconnaître malgré la vision de cette mort imminente qui transforme leur façon de s’associer au fil des jours.